Carré magique
Emission Archimède diffusée sur Arte dans les années 2000.
Ré-édition par Michael Marchal
Eutrope expliquait le jeu à son fils Benjamin : parmi les chiffres de 1 à 9, nous allons chacun prendre un chiffre à tour de rôle.
Le premier qui en additionnant trois chiffres arrivent à la somme de 15 a gagné.
Benjamin choisit de commencer et prit le chiffre 9.
Eutrope prit le 5, Benjamin le 4 obtenant un total de 9 et 4 ... 13, espérant prendre le 2 au coup suivant.
Eutrope veillait et choisit le 2 : il avait alors un total de 5 et 2, égale à 7. Benjamin dû prendre le 8 sinon son père aurait gagné, 7 et 8 font 15. Eutrope prit alors le 7 et Benjamin hurla de désespoir : son père avait le 5, le 2 et le 7.
Il pouvait, pour arriver à 15, soit prendre le 6 (7+2+6=15), soit prendre le 3 (7+5+3 = 15). Comme le pauvre Benjamin ne pouvait prendre ces deux chiffres d'un coup, soit il prenait le 6 et son père gagnait avec le 3, soit il prenait le 3 et son père gagnait avec le 6.
Eutrope Cazalas était un général mathématicien, passionné de carrés magiques et dans son bureau trônait la peinture de Dürer, La mélancolie où était représenté un carré magique de 4 cases de côté. La somme des éléments de ce carré selon les lignes, les colonnes et les deux diagonales, était égale à 34. Benjamin savait qu'Eutrope allait ramener les carrés magiques sur le tapis.
Regarde, Benjamin, nous allons réarranger les chiffres de 1 à 9 selon un carré magique de 3 cases de côté.
Là aussi, les sommes selon les lignes, les colonnes et les diagonales sont égales à la même somme, 15. Vois-tu le rapport avec notre jeu ?
L'air ahuri de Benjamin désespéra Eutrope, qui continua son explication. Les seules manières d'obtenir un total de 15 avec trois chiffres différents sont de prendre ces trois chiffres selon les lignes les colonnes ou les diagonales.
Comme j'avais ce carré magique sur un petit papier, avoua Eutrope, j'ai pu te battre.
L'intérêt de Benjamin pour les carrés magiques augmenta d'un coup et il se résolu à écouter les explications de son Eutrope de père.
"Les carrés magiques sont très anciens, le premier exemple de carré 3 par 3 est chinois. C'est un domaine où les mathématiciens amateurs comme moi ont fait de remarquables découvertes. Ainsi le français Pfeffermann a trouvé un carré magique où non seulement les sommes des chiffres selon les lignes, les colonnes et les diagonales étaient égales, mais aussi la somme des carrés de ces chiffres. J’ai, pour ma part, trouvé un magnifique carré magique où non seulement les chiffres, les carrés mais aussi les cubes forment un carré magique..."
Eutrope Cazalas, car c’est de lui qu’il s’agit ici, vivait au XIXe siècle et il a fallu attendre plus de deux cents ans pour qu'un progrès notable apparaissent : il y a quelques mois deux mathématiciens français Christian Boyer et Roger Viricel, aidés de l'informatique, ont trouvé des carrés magiques où les puissances quatrième et cinquième étaient aussi magiques.